Elle ne se voit pas. Ni dans les prises de sang, ni sur les radios ou les IRM. Et pourtant, la fibromyalgie est bien là, synonyme de douleurs constantes.

Témoignages:

Régine, 56 ans, Usson : « Durant un an, je n’ai pas vécu ».

 » Les symptômes sont apparus en 2009. J’étais très fatiguée au travail, j’avais mal partout, je ne dormais pas bien. Je mettais cela sur le dos du boulot. Mais en février 2010, j’ai commencé à vomir, mon corps était bloqué. Cela m’a stoppée. Je pensais avoir un cancer des os car dès qu’on me touchait, j’avais très mal. Mais on n’a rien trouvé. J’ai vu un professeur pour le foie qui m’a posé beaucoup de questions. Il m’a alors dit que j’avais tous les symptômes de la fibromyalgie. Un rhumatologue m’a orientée vers le centre antidouleur du CHU de Clermont-Ferrand.

Durant un an, je n’ai pas vécu. Je n’arrivais pas à dormir la nuit car j’avais trop mal. J’avais des douleurs musculaires, même dans les yeux, des maux de tête terribles. Et puis il y avait le regard des autres. On me disait que c’était dans la tête.

« Ils disent qu’il faut penser à soi avant les autres, qu’il faut du positif dans la vie. Ce n’est pas toujours facile. »

Je n’ai pas pu travailler durant deux ans. J’ai repris en 2012 mon poste, aménagé et à mi-temps, dans une grande surface. Je suis en invalidité de première catégorie.

Les sentiments, que ce soit du stress ou de la joie, influent. Tout comme les conditions météo. J’ai passé une période où cela allait mieux. Mais depuis novembre, cela me retitille. J’ai le syndrome des jambes sans repos. Je pense que jamais je ne reprendrais ce que je faisais avant.

Maintenant, je fais plus attention à mon alimentation. Ils disent qu’il faut penser à soi avant les autres, qu’il faut du positif dans la vie. Ce n’est pas toujours facile.

Je voudrais que la maladie soit plus reconnue. Qu’il y ait des recherches pour savoir d’où cela vient. »

Sophie, 33 ans, Saint-Germain-Lembron : « Je ne veux plus jamais me revoir comme j’étais ».

« C’était en 2008. J’avais 24 ans. A la suite de la naissance de mon fils, j’ai ressenti des douleurs continues au niveau des cervicales, des décharges électriques, des picotements, des brûlures. Mon fils avait quelques mois, je pensais que c’était à force de le porter. J’ai attendu un peu avant d’aller au centre antidouleur de Clermont-Ferrand. Ils ont alors fait des pressions sur certains points, confirmant la fibromyalgie. J’ai été prise en charge, j’ai eu des rendez-vous avec un psychologue, avec une sophrologue… J’ai pris beaucoup de médicaments que j’ai arrêtés aujourd’hui.

« Mon corps me lançait des signaux d’alarme mais je ne l’écoutais pas »

Au niveau du travail, c’était compliqué. J’ai alterné boulot et chômage.

Et puis, j’ai eu trois grosses crises en 2013. Je ne pouvais plus rien faire. On voyait que je souffrais. Je ne pouvais plus m’habiller, plus conduire. J’avais les yeux creusés, j’étais blanche, j’avais grossi. Mon corps me lançait des signaux d’alarme mais je ne l’écoutais pas. Au bout de la 3e crise, je me suis dit qu’il fallait que je change.

Je me suis alors demandée ce que je voulais vraiment faire. J’ai repris une formation, créé mon entreprise.

Aujourd’hui, je vais mieux. Je pense à moi, je m’écoute. Je ne veux plus jamais me revoir comme j’étais. Je dors mieux, j’ai moins de douleurs, je sais mieux les gérer. Je me suis orientée aussi vers les médecines douces, vers le naturel. C’est une deuxième vie.. Je pense que cette maladie ne peut pas se guérir mais qu’elle peut être endormie. »

Anne-Marie, 51 ans, région d’Issoire : « Cette maladie doit être reconnue ».

« Je trainais des douleurs au dos, aux épaules, aux genoux, depuis l’âge de 15 ans. On m’expliquait que c’était en lien avec une entorse à la cheville. Mais j’ai été opérée à 24 ans et rien n’a changé. Un ami avait la fibromyalgie. Et ses douleurs ressemblaient aux miennes. J’ai donc vu un rhumatologue qui m’a confirmé, en 2002, cette maladie. J’ai été prise en charge au centre antidouleurs d’Issoire.

J’ai désormais des boules dans le creux des mains, c’est la maladie de Dupuytren. J’ai aussi la maladie de Raynaud, de grosses migraines, des problèmes intestinaux, urinaires, des remontées acides…

Cette maladie ne régressera jamais

Je suis actuellement reconnue invalide de première catégorie, mais pas pour la fibro. Je voudrais qu’on reconnaisse aux malades une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi, afin de bénéficier notamment de l’allocation aux adultes handicapés. Car je ne me vois pas aller travailler. Quel patron voudrait de moi alors que peux l’appeler un matin en lui disant que je n’arrive pas à marcher ?

Cette maladie ne régressera jamais. On est fibro de 11 à 18 points. Moi, je suis à 18. Plus on vieillit, plus on s’affaiblit, plus la maladie est contente. La douleur bouge constamment selon les crises. Tout le corps est douloureux.

Il faut que cette maladie soit reconnue en France. J’ai même écrit au ministre de la Santé, au président de la République ! Il faut qu’on ouvre les yeux sur la douleur. Ce n’est pas juste dans la tête. On ne fait pas semblant d’avoir mal.

Je ne veux pas que la maladie gagne, je ne veux pas retourner à l’hôpital. Ce n’est pas elle qui fait la loi. Mais se battre contre les douleurs, c’est épuisant. »

 

Nawell Nogues, 25 ans, Les Pradeaux : « J’ai 25 ans et le corps d’une femme de 70 ans ».

« Cela a commencé fin 2012, début 2013. Les articulations de mes mains et de mes pieds ont doublé de volume, du jour au lendemain. J’avais des douleurs aiguës dans le dos, les fesses, le bassin. Et le 20 mars, tout s’est bloqué. Au départ, j’ai pensé que c’était une sciatique. Je suis allée à l’hôpital. J’étais en fauteuil roulant car je ne pouvais même plus marcher.

On a pensé à la maladie de Lyme et à la spondilarthrite ankylosante. Puis j’ai vu un rhumato à Clermont-Ferrand. Le 12 décembre 2016, ils m’ont diagnostiqué la fibromyalgie.

J’ai du arrêter ma formation professionnelle. Je boite en permanence, j’ai mal à la fesse gauche, à la hanche, au dos, à la main, aux épaules, aux cervicales, mes genoux se bloquent, j’ai beaucoup de maux de tête, des pertes de mémoire. La douleur est diffuse et ne me laisse que peu de répit. Elle me réveille la nuit. Avoir mal constamment, c’est horrible. Ma fille de 2 ans marche plus vite que moi.  J’aimerai courir avec elle mais je ne peux pas. J’ai 25 ans et le corps de quelqu’un de 70 ans.

« Les gens ne comprennent pas la douleur »

Je ne supporte pas tous les traitements. J’ai vu hypnotiseur, acupuncteur, kiné, osthéo… Rien ne me soulage…

Je regarde sur Internet d’où cette maladie peut venir. On parle de chocs émotionnels. Mais on a tous des chocs ! J’ai perdu beaucoup de mon entourage car les gens ne comprennent pas la douleur. Les amis, quand on leur dit qu’on vient, puis qu’on les rappelle car on ne peut pas bouger du canapé… A la fin, ils ne vous invitent plus.

Je cherche à savoir si je n’ai pas autre chose. J’ai rendez-vous avec un autre rumathologue. Si cela ne bouge pas, j’irai à Lyon, à Paris. Il faut témoigner. Je pense que la médiatisation peut changer les choses. Il faut que la médecine bouge. Qu ‘on soit reconnu.

J’ai beaucoup de mental. Je suis obligée car sinon, je serais au fond. A l’intérieur, j’ai mal. A l’intérieur, je pleure. Les gens pensent qu’on se plaint toujours, mais on aimerait être comme tout le monde et travailler. Sauf que je ne peux pas rester debout longtemps. Mon contrat de travail se termine en juin. Comment retrouver du travail dans mon état ? »

La fibromyalgie est « un syndrome chronique caractérisé par des douleurs généralisées, diffuses et invalidantes, qui touchent les tendons, les ligaments et les muscles », précise le docteur Mohamed Ayadi, médecin anesthésiste et algologue au centre hospitalier d’Issoire. « C’est accompagné de fatigue intense, de troubles du sommeil, digestifs, de la mémoire et de symptômes anxio-dépressifs (causes ou conséquences de la douleur). La cause pourrait être un dysfonctionnement du contrôle de la douleur, provoqué par des chocs émotionnels. Il y a une sensibilité au stress, aux conditions météo. C’est cyclique. Pour l’instant il n’y a pas de traitement efficace. Nous sommes plus sur de la thérapie douce, non médicamenteuse. »